L’assurance autonomie est un enjeu sociétal au-delà des jeux politiciens
Un appel en faveur de l’assurance autonomie (qui a pour ambition de permettre d’améliorer l’accessibilité à des services d’aide à domicile) lancé par la FASD (Fédération des Aide et Soins à domicile) et la CODEF (Coordination et Défense des Services Sociaux et Culturels) pour les fédérations d’employeurs des Services d’Aides aux Familles et aux Ainés et des centres de coordination ainsi que la CNE et la CGSLB pour les syndicats.
Le projet d’assurance autonomie, dont la Wallonie rêve tant de se doter (ou plutôt dont elle a tellement besoin), fera donc couler beaucoup d’encre jusqu’au bout de la législature. Cette fois-ci ce n’est pas parce que la définition de ses contours souffre d’un manque de concertation, car certains acteurs craignent pour leur emploi, ou encore parce que d’autres aimeraient un modèle plus en adéquation avec leurs convictions politiques et sociétales. Non, que du contraire ! Aujourd’hui, cette assurance autonomie est au cœur d’un appel à la prise de responsabilités politiques pour faire aboutir ce projet majeur pour le bien-être et l’avenir de l’ensemble des citoyens wallons. Appel lancé à destination des politiques par plusieurs acteurs du secteur au nom des plus de 2.400 travailleurs (aide-familiales, gardes à domicile, aide-ménagères sociales et assistants sociaux) qu’ils représentent et des près de 20.000 bénéficiaires à qui ils apportent une aide au quotidien.
Il est vrai que le secteur s’est mobilisé et s’est fait entendre afin de faire évoluer ce projet d’assurance autonomie wallonne. Toutefois, après des centaines d’heures de réunions et de groupes de travail entre l’ensemble des partenaires sociaux, l’administration et le cabinet Greoli, nous avons aujourd’hui la conviction d’être arrivés à un dispositif pouvant répondre aux enjeux liés à la transition démographique des prochaines décennies face auxquels la Wallonie se trouve. Avec l’immobilisme politique actuel et l’annonce de la mise au frigo du projet d’assurance autonomie, et de tous les dossiers qui y sont liés, les victimes et dégâts collatéraux seront multiples.
Un surcoût pour le citoyen
Pour rappel, l’assurance autonomie a pour ambition de permettre d’améliorer l’accessibilité à des services d’aide à domicile de tout citoyen en perte d’autonomie, quel que soit le motif de cette perte d’autonomie et l’âge auquel elle survient. Cette accessibilité se traduit à la fois par une diminution significative du coût des prestations mais également par une augmentation de l’offre de services à la population.
Aujourd’hui, près de la moitié des bénéficiaires des services d’aide aux familles et aux ainés paient le coût horaire maximum (7,81€/h). La mise en œuvre de l’assurance autonomie permettrait par exemple à un citoyen ayant recours à une aide-familiale quatre heures par semaine de diminuer sa facture annuelle de près de 500€. Vous comprendrez donc qu’il n’est pas concevable pour les citoyens wallons dont la situation nécessite un accompagnement dans les actes de la vie quotidienne d’attendre encore quelques années supplémentaires.
Des emplois perdus
Pour augmenter l’offre de services et ainsi mieux répondre à l’ensemble des besoins des citoyens, la création de 2000 nouveaux emplois d’aides familiales, gardes à domicile, aide-ménagères sociales, assistants sociaux, coordinateurs et employés administratifs étaient annoncés. 15 millions d’euros étaient ainsi déjà prévus pour 2019 afin de permettre aux services de recruter et former de nouveaux assistants sociaux et coordinateurs mais également de commencer à augmenter l’offre de services, notamment via le recrutement d’aide-ménagères. Il est regrettable, alors que les besoins du terrain sont criants, de se dire que l’ensemble de ces moyens resteront inutilisés faute de possibilité de faire aboutir le décret au niveau du parlement.
Parallèlement à la création d’emplois, un des dossiers ayant enfin pu aboutir dans le contexte de l’évolution du secteur vers l’assurance autonomie est la valorisation des métiers de l’aide à domicile. L’avancée la plus significative est l’accord tout récent sur le passage au statut employé des aides-familiales et gardes à domicile. Au même titre que ceux prévus dans la perspective de nouveaux emplois, les moyens budgétaires devant permettre ce passage sont remis en question. La non-concrétisation de cet accord serait vécu comme une véritable gifle par les plus de 5.000 aides-familiales et gardes à domicile wallonnes qui attendent cela depuis tant d’années. D’autre part, syndicats et employeurs venaient aussi de s’accorder sur la mise à jour des statuts des métiers d’aide familiale, garde à domicile et aide-ménagère sociale. Le texte attend sagement sa validation au parlement parmi les textes accompagnant le décret assurance autonomie ! L’officialisation de celui-ci permettrait d’enfin avancer dans la revalorisation des formations donnant accès à ces métiers. Sans cela, c’est un autre travail conséquent, cette fois-ci mené avec l’enseignement depuis déjà de nombreux mois, qui serait mis à l’arrêt.
Le choix de l’option « marchand » ?
Enfin, nous ne pouvons que craindre que cette nouvelle absence de réponse collective, par l’associatif et les pouvoirs publics, a cet enjeu sociétal du maintien à domicile et, plus largement, de l’aide aux personnes, représente une opportunité pour le monde marchand, et plus particulièrement les assurances, qui ne manquera pas d’apporter ses propres solutions. Tel scenario ne ferait que dualiser encore un peu plus les réponses aux vieillissements de la population. Est-ce vraiment l’option politique souhaitée par les citoyens wallons ?
L’effet papillon
Nous pourrions résumer et conclure notre interpellation par la métaphore de l’effet papillon en paraphrasant Edward Lorenz : le battement d’aile (droite) d’un membre du parlement wallon peut-il provoquer une tornade sur l’ensemble des citoyens wallons les plus fragilisés ainsi que sur des milliers de travailleurs ?
Chers membres du gouvernement wallon, chers parlementaires, chers élus, chers partis, nous vous laissons le soin de répondre à cette question mais face à ces enjeux, nous, syndicats et employeurs actifs dans le secteur des services d’aides aux familles et aux ainés, n’avons d’autre alternative que de vous inviter à prendre vos responsabilités et à mettre tout en œuvre pour que l’assurance autonomie, ainsi que tous les dossiers qui en découlent, puissent atterrir et à trouver des solutions durables pour le secteur et le citoyen avant la fin de cette législature.
Source : Carte blanche parue dans La Libre Belgique le vendredi 5 avril 2019